Aliment traditionnel depuis des temps ancestraux, cultivée et consommée aujourd’hui partout dans le monde pour sa haute qualité nutritive, la spiruline fait figure de proue dans la lutte contre la malnutrition au Nord (sur-nutrition) comme au Sud (sous-nutrition). D’à peine un demi-millimètre, cette micro-algue à l’origine de la photosynthèse manifeste une formidable capacité d’adaptation si bien que nous pouvons l’observer à l’état sauvage en Afrique comme en Asie, en Amérique du Sud comme en France. Depuis les années 2000, c’est dans notre beau pays de Cocagne que fleurissent un peu partout des fermes artisanales de production de spiruline. Un nouveau métier est né, celui de spirulinier! Certains disent qu’aux regards des enjeux socio-écologiques planétaires qui nous guettent, elle pourrait nous apporter une solution! Mais alors!? Aquaculture de laboratoire, artisanale ou industrielle? Chimique ou biologique? Que se cache-t-il derrière ce superaliment assimilé «moderne», et pourtant si ancien? Il était une fois…
Article rédigé par les associations “Spiruline & Progrès”* et la “Fédération des Spiruliniers de France”** pour la revue Nature et Progrès d’avril-mai 2015.
À travers les âges, la merveille spiruline
Algue microscopique en forme de spirale, la spiruline (Arthrospira platensis) est une des premières formes de vie sur la planète Terre. On parle d’algue, mais c’est plus précisément une cyanobactérie, c’est-à-dire une bactérie réalisant la photosynthèse. L’origine de la Terre remontant à 4,5 milliards d’années, les cyanobactéries apparurent vers 3,5 milliards d’années.
Et le miracle de la photosynthèse s’est produit: grâce à l’énergie lumineuse, une bactérie a pu transformer le gaz carbonique en matière organique, au cours d’un processus complexe qui dégage de l’oxygène. Cela a permis l’enrichissement de l’atmosphère en oxygène (O2) puis la formation d’ozone (O ) protégeant ainsi la Terre des rayonnements ionisants. Dans ces conditions, la complexification du vivant s’enchaîna jusqu’à ce jour.
3,5 milliards d’années ont passé depuis l’apparition des cyanobactéries, que nous ne cesserons de remercier pour notre ciel bleu et oxygéné. Ces créatures primitives vivent encore parmi nous. Fossiles vivants, elles ont traversé le temps, identiques à elles-mêmes pour l’essentiel. Celle qui nous intéresse ici, longue d’à peine 1/2 millimètre, s’est installée dans des lacs salés de régions chaudes pour le bonheur des riverains. Les Aztèques consommaient de la spiruline. Le conquistador espagnol Cortès rapporte dans ses mémoires cette curieuse habitude qu’avaient les indiens de promener à la surface des lacs des filets très serrés pour récolter une sorte de boue verte qu’ils faisaient sécher au soleil pour la consommer ensuite sous forme de galettes.
Par sa relative facilité de culture, sa simplicité de récolte et de préparation, son équilibre nutritionnel et ses apports hautement assimilables, la spiruline pourrait, si l’on voulait s’en donner les moyens, constituer une solution aux problèmes de malnutrition.
Les 5 médailles d’or de la spiruline
Voici 5 nutriments que la spiruline contient en plus grande quantité que n’importe quel autre aliment végétal ou animal connu à ce jour sur terre:
• Protéine (65 % digeste à 92 %), contentant les
20 acides aminés.
• Bêta-carotène, (précurseur de la vitamine A)
• Fer
• Vitamine B12
• Acide gammalinolénique (chef de file des
omegas 6).
Dans la région du Kanem, au nord-est du Tchad, vivent les Kanembous. De tradition immémoriale, les femmes Kanembous récoltent à la surface de certaines mares fréquentées par les flamants roses, une sorte de bouillie verte qui y pousse spontanément: la spiruline. Une fois séchée en galette (dihé) dans le sable, celle-ci trouve son chemin jusqu’au marché local ou directement dans la marmite. La spiruline s’accorde idéalement avec la boule de mil, base alimentaire de cette région.
Quand l’Occident découvre ce trésor
Au milieu des années 1960, une expédition belge mit le feu aux poudres. Le botaniste en mission, Jean Léonard, parcourait les marchés indigènes à la recherche de produits végétaux. Sa curiosité fut frappée par les galettes vert / bleuâtre.
La substance fut identifiée et analysée: la spiruline, trésor de protéines, vitamines, minéraux, enzymes, pigments… Parallèlement, la société Sosa Texcoco exploitait les eaux alcalines souterraines du lac Texcoco, à l’emplacement de l’actuelle ville de Mexico. L’extraction du carbonate de sodium était perturbée par une minuscule algue qui obstruait le système.
Après identification, étant donné la richesse de la spiruline, la société Sosa Texcoco se mit à récolter l’or vert; la première culture commerciale.
Et l’aventure continua par l’implantation de fermes géantes pour une production mondiale et l’installation de fermes paysannes dans le tiers-monde pour lutter contre la malnutrition. Aujourd’hui, la diffusion d’un savoir-faire permet l’installation de fermes de spiruline à travers le monde.
Spiruline et malnutrition
C’est dans la lutte contre la malnutrition que l’on peut mesurer l’impressionnante efficacité de la spiruline. Ripley Fox, pionnier dans ce domaine peut en témoigner : « En Orient, la preuve n’est pas sur le papier, mais dans les sourires et les cris de joie des enfants qui, s’ils n’avaient pas reçu de spiruline, auraient rejoint, dans les statistiques, les 600 millions d’autres qui sont morts depuis la dernière guerre mondiale. Il est vrai que ce chiffre peut vous hanter la tête et le cœur. C’est certainement une question de moralité […] La malnutrition n’est pas une maladie, c’est un fait politique ».
Sur le terrain, en Afrique, en Asie, et en Amérique du Sud, de nombreuses expériences ont démontré l’efficacité de la consommation quotidienne de 10 g de spiruline pendant trois mois, dans des cas de malnutrition aiguë. Il est urgent que les «grands» de ce monde comprennent l’importance de nourrir ses enfants, même si ce n’est pas rentable.
La spiruline joue un triple rôle : elle nourrit, détoxique et stimule le système immunitaire.
Elle contient encore de nombreux autres éléments:
• Calcium, magnésium, potassium oligo-éléments, enzymes de détoxication (SOD).
• Vitamines: l’ensemble du groupe B, la vitamine E et la vitamine K. La spiruline est un aliment très riche et très complet, sauf pour ce qui concerne la vitamine C, l’iode et les Oméga 3. Ceux ci peuvent être apportés par des agrumes (vitamine C) et du poisson gras (iode, oméga 3).
Trois pigments:
• Le bêta carotène (rose orgemont),
• La chlorophylle (vert)
• La phycocyanine (bleue), caractéristique de
cette famille de cyanobactéries dont fait partie la spiruline et qui est un stimulant du système immunitaire très recherché.
En conclusion, la spiruline joue un triple rôle: elle nourrit, détoxique et stimule le système immunitaire.
L’aquaculture de spiruline
Depuis ses origines, la spiruline a conservé une extrême simplicité quant à sa reproduction: ce filament microscopique, lorsque les conditions sont idéales, grandit jusqu’à se scinder en deux, pour former ainsi deux spires qui vont grandir à leur tour jusqu’à des milliards et des milliards de spires qui flottent à la surface où elles forment une magnifique crème verte. Pour accomplir sa photosynthèse, elle a besoin de chaleur, de lumière, d’une eau saumâtre (salée mais pas autant que l’eau de mer) et alcaline (Ph entre 9 et 11), et pour le reste, comme la plupart des végétaux, de carbone, d’azote, de phosphore, de fer, de magnésium, de potassium, de calcium et d’ oligo-éléments.
Dans son milieu naturel (lacs ou lagunes), la spiruline suit les conditions climatiques, prospérant à la saison chaude et se réfugiant au fond de l’eau dans l’argile qui tapisse les fonds, lorsqu’arrive le froid. Ses 3.5 milliards d’années prouvent sa grande faculté d’adaptation… Il existe plusieurs souches de spiruline, certaines dites ondulées, d’autres dites spiralées, en provenances du monde entier: Paracas (Pérou), Lonar (Inde), du lac Tchad…
Pour pouvoir cultiver la spiruline, il faut reproduire artificiellement son milieu de vie, et créer les conditions nécessaires à son développement: bassins sous serre pour la chaleur, ombrage et systèmes d’agitation (pour éviter les coups de soleil!) par roues à aubes ou par pompes, alcalinité, etc. Il existe de multiples systèmes qui permettent de récolter et de sécher la spiruline à basse température pour conserver toutes ses propriétés. Selon la latitude, les producteurs peuvent cultiver toute l’année ou seulement une partie.
L’aquaculture de spiruline requiert dix fois moins d’eau que n’importe quelle autre production, pour un rendement protéique à l’hectare (30 à 50 tonnes) quinze fois supérieur au soja (2,5 tonnes).
Elle nécessite vingt fois moins d’eau que pour une culture céréalière, et 100 fois moins que l’élevage bovin intensif pour un rendement protéique cent fois supérieure (0,16 tonnes de protéines à l’hectare pour l’élevage). Son séchage est effectué à moins de 60°C, en séchoir solaire et son condi-
tionnement est fait sans conservateur, ni colorant. La spiruline est cultivée sans aucun fongicide, herbicide, pesticide. Son rendement à l’hectare est très élevé. Grande productrice d’oxygène, la culture n’émet pas de gaz à effet de serre (GES); au contraire, elle consomme environ 40 tonnes de CO2 par hectare et par an.
Un peu de technique…
En milieu naturel, la spiruline comme les végétaux ont besoin de nutriments minéraux simples pour se développer. Seule la forme minérale est directement assimilable et permet leur multiplication cellulaire. Ce sont les êtres autotrophes.
A contrario, les organismes hétérotrophes (comme l’homme et les animaux) consomment de la matière organique qu’ils vont ensuite métaboliser. Leurs rejets sont ainsi chargés en éléments minéraux, notamment en azote.
Le milieu dans lequel la spiruline est cultivée doit être exempt de matières organiques en suspension et/ou de résidus chimiques pour plusieurs raisons :
– Le bien-être de la spiruline est affecté par une présence de matière organique trop importante
– La lumière du soleil doit pénétrer l’eau de culture afin d’assurer le processus de photosynthèse
– La spiruline est récoltée par micro-filtration. Comme le fromage, c’est un produit consommable sans transformation préalable.
Ces contraintes techniques ont incité les chimistes des «30 Glorieuses» à élaborer un mode de culture à base des nutriments minéraux purs, pour l’essentiel provenant de la chimie de synthèse. Aujourd’hui, la plupart des producteurs continuent à cultiver la spiruline selon cette méthode qui se veut facile, peu coûteuse mais interdite en agriculture biologique. Et si ça avait été des biologistes qui avaient étudié l’aquaculture de spiruline dans les années 60, quel serait le mode de fertilisation d’aujourd’hui?
En effet, si l’on veut cultiver la spiruline en bio, il existe plusieurs possibilités de fertilisation en apportant des substances minérales naturelles (comme l’urine ou des nutriments minéraux purs extraits de matière organique). À l’image de l’approche agro-écologique du sol vivant, ces apports peuvent aussi être optimisés en recréant un complexe argilo-humique contenant des micro-organismes hétérotrophes.
Il s’agit là de sortir de la notion d’aquaculture “hydroponique” pour aller vers une aquaculture “éco-systémique” pérenne se rapprochant de la permaculture.
Certaines de ces techniques proches de la bio sont utilisées depuis des années, d’autres sont en cours d’expérimentation et nous voyons encore une multitude de technicités à expérimenter… La spiruline bio a de l’avenir !
Vers des futurs cahiers des charges bio
Il n’existe actuellement aucun référentiel européen reconnu d’aquaculture biologique de spiruline. Cette carence a pour effet de laisser la porte ouverte à des allégations abusives de spirulines étrangères dites « bio » (selon un référentiel souvent privé ou suffisamment imprécis) cultivées industriellement à l’aide de procédés protégés et inaccessibles. Ces spirulines fleurissent de nos jours en magasins au détriment de la production française et de la notion de certification.
La FSF(1) a commencé depuis 2014 l’élaboration d’un cahier des charges bio national en partenariat avec la FNAB(2). Ce dernier devrait voir le jour en 2016 en attendant la révision du règlement européen sur la bio prévu en 2017.
L’association S&P(3) s’est rapprochée de Nature & Progrès en vue de réfléchir à un cahier des charges. Un premier groupe de travail s’est constitué et s’est mis à la tâche en janvier 2015. La rédaction du projet est en cours et ce dernier devrait être proposé à la fédération N&P courant 2015.
Définitions:
1) FSF: Fédération des Spiruliniers de France
2) FNAB: Fédération Nationale d’Agriculture Biologique
3) S&P: Association Spiruline & Progrès
Merci beaucoup pour votre article !
Surtout la dernière partie qui m’a fortement intéressé…
Je veux m’installer en tant que producteur artisanal de spiruline et la recherche de méthodes de production bio m’intéressent énormément. Si en plus on parle d’intégration de la culture de spiruline dans un système en permaculture, alors là, là je commence à rêver !
Mais justement, pour pouvoir transformer les rêves en réalités… Avez-vous de donnés plus concrets qui puissent nous aider svp ?
Quand vous parlez de “plusieurs possibilités de fertilisation en apportant des substances minérales naturelles” Avez-vous une liste de ces substances ou savez à qui peux-je m’adresser ? Autre que l’urine ? Des nutriments minéraux purs extraits de matière organique ?
Je trouve super intéressant (et au même temps assez logique) quand vous parlez de complexe argilo-humique contenant des micro-organismes hétérotrophes… Vous pouvez me dire où trouver des informations techniques là-dessous ?
Merci !
Javier
Bonjour Javier,
Je ne suis pas en mesure de vous communiquer aujourd’hui les détails de la culture biologique de spiruline en permaculture. Une extraction de l’azote de la matière organique issue de méthaniseur m’a permis l’année dernière de mettre au point avec HYES la première spiruline française labellisée Ecocert. Prochainement (cet automne), je vais lancer un financement participatif pour optimiser l’extraction d’azote et la rendre accessible à tous avec des sources d’azote local et en particulier la fiente de poule. Le but de mes expériences sera aussi de redonner à la culture une résilience naturelle, en reproduisant son écosystème par la reconstitution de substrat au fond des bassins ; et ainsi de proposer une alternative permacole aux cultures hors sol de spiruline actuelle. Si vous êtes intéressés par ces recherches, vous pouvez me communiquer votre mail, ainsi je je ne manquerai pas de vous tenir au courant des avancées de ce projet. En attendant, si vous tenez à vous impliquer dans la R&D sur la culture écologique de spiruline je vous invite à vous rapprocher de l’association Spiruline & Progrès dont c’est l’objectif : spirulinetprogres@gmail.com.
Cordialement, Gilles
Asolument !
Je vous donne mon adresse e-mail pour être tenu au courant : llokalla@gmail.com
Je vais également me rapprocher de l’asso Spiruline et Progrés : )
Merci bcp Gilles !
Javier
La spiruline n’est pas une algue mais une cyanobactérie.
Bonjour Zunak , c’est ce que nous avons écrit dans l’article : nous parlons d’algue car elle est communément connu comme cela.
“Algue microscopique en forme de spirale, la spiruline (Arthrospira platensis) est une des premières formes de vie sur la planète Terre. On parle d’algue, mais c’est plus précisément une cyanobactérie, c’est-à-dire une bactérie réalisant la photosynthèse. L’origine de la Terre remontant à 4,5 milliards d’années, les cyanobactéries apparurent vers 3,5 milliards d’années”.
j’en mange de plus en plus et j’en cultive de plus en plus
Bonne continuation ! Gilles
Bonne continuation avec la spiruline ! Gilles
hola depuis Tenerife canaries
. Ici il y a parait il une personne qui commencerait laculture de spiruline . parait il qu´il a appris la tecnique a Euroville en inde .
¿ Quel tipe de spiluline cultive t´il labas chimique ou bio ?
comment peut on faire sa spiluline soit meme .
je suis agriculteur bio en tegueste Tfe . et fais du compost a base de vers de terre .l´eau que je recolte peut elle servir d´aliment a la spiluline ?¿?¿?
ciao a bientot devous lire merci pour votre travail .
Bonjour Lercat,
pour apprendre à cultiver vous même la spiruline je vous invite à vous rapprocher de l’instituto de algologia aplicacade de Gran Canaria.. aangulo@marinebiotechnology.org Ellos dan curso de cultivo casero de spirulina. Si ustedes lée el Frances puedes tambien comprar mi manual de cultivo.
Le compost de vers de terre peu etre utilisé en petite quantité pour la culture biologique de spiruline. C’est un apport essentiellement d’oligo élément. Mais ce n’est suffisamment riche en azote et phosphore pour envisager cette source d’engrais comme engrais. De plus la spiruline ne supporterai le contact avec la matière organique qui compose le lombri compost. Si vous êtes intéressé par l’évolution de la recherche sur la culture bio de spiruline. Inscrivez vous à la news letter. Communiquez moi votre mail. Hasta luego Gilles